Comment évoquer la chanson française sans mentionner Patrick Bruel, le bourreau des cœurs connu pour ses balades romantiques, sa voix profonde et son physique avantageux ? Et il faut dire qu'à (presque) 66 ans, le chanteur, qui fêtera son anniversaire ce 14 mai, se montre très en forme ! Alors à l'occasion de son anniversaire, M Radio voulait se pencher sur l'histoire de ses plus grands titres, d'une douleur d'enfant cachée derrière "Qui a le droit" au générique d'une émission télé pour "Place des grands hommes", découvrez les secrets derrière les morceaux les plus iconiques de Patrick Bruel.
Place des grands hommes : la chanson d'une soirée devenue un carton monumental
Dans la liste des chansons les plus populaires de Patrick Bruel, on retrouve, non sans surprises, l'un de ses plus grands succès : "Place des Grands hommes". Un titre paru dans l'album "Alors regarde" sorti le 9 novembre 1989, album qui fera littéralement décoller la carrière de l'artiste, et qui déclenchera la fameuse "Bruelmana". Dans cet opus, marqué par des titres emblématiques comme "Casser la voix", "J'te le dis quand même" et "Alors regarde", "Place des Grands hommes" figure en quatrième position, et explore la nostalgie et le temps qui passe.
Pour ce titre, le chanteur s'inspire d'un film sorti au milieu des années 80, "Les copains d'abord" de Lawrence Kasdan, comme il l'expliquait à nos confrères de Purecharts.
"[Dans le film] Ce sont des amis qui se retrouvent à l'occasion de l'enterrement d'un de leurs copains. Ils se retrouvent dans une maison et s'opère une sorte de bilan autour d'une discussion. J'ai trouvé ce principe assez joli et je m'imaginais, moi, avec ma bande de copains, faire la même chose" - Patrick Bruel
Hasard du calendrier : à cette même période, l'animateur Patrick Sabatier contacte le chanteur pour participer à un numéro pour son émission "Avis de recherche", où il va pouvoir justement retrouver tous ses copains d'enfance. Patrick Bruel est enthousiaste, bien que persuadé que cette future chanson n'aura pas de suites :
"C'est l'occasion de faire cette chanson ! Je fais cette chanson uniquement dans le but de la chanter dans cette émission et puis basta. Je ne pense pas que ça puisse intéresser grand monde" - Patrick Bruel
Et Patrick Bruel a bien fait d'accorder une petite place pour "Place des grands hommes" dans son album, puisque la chanson va atteindre la quatrième place du top 50, et va, elle aussi, porter le succès de l'album "Alors regarde", qui s'est vendu à plus de 3 millions d'exemplaires. Encore aujourd'hui, 35 ans après la sortie de l'album, Patrick Bruel continue de recevoir des images très touchantes concernant ce titre qui a su toucher en plein cœur les Français :
"Je reçois des adaptations toutes les semaines de gens qui fêtent leur enterrement de vie de jeune fille ou de jeune garçon, de bar-mitsvah, de mariage... Les gens changent les paroles, c'est très joli, c'est très touchant ! Elle ne m'appartient plus !" - Patrick Bruel
Qui a le droit : la douloureuse absence du père
Qui ne connaît pas la chanson "Qui a le droit", dont le refrain emblématique fait partie des textes les plus populaires de la chanson française ? Mais derrière ce tube se cache surtout de douloureux souvenirs, partagés comme un message universel. En 2023, le chanteur, qui était invité sur le plateau de TF1 pour 50 Minutes Inside, s'est beaucoup livré quant à l'origine de se titre, devenu un "incontournable" en concert. Et comme il le dit lui même :
"Les plus grandes chansons sont celles qui partent d’un élément éminemment personnel et qui deviennent universelles" - Patrick Bruel
A la fin des années 80, Patrick Bruel est en vacances et se la coule douce à Tahiti. Mais il n'en oublie pas la musique, et compose une nouvelle mélodie, une ballade romantique dont il a le secret, intitulée "Just Think of me and I'll be there". De retour en France, il retrouve Gérard Persgurvic, à qui il demande de mettre des mots, en français, sur sa composition. Mais ici, pas une histoire d'amour, mais plutôt quelque chose de "sociétal". La chanson, écrite en à peine trois heures, traduit l'abandon : celui d'un père qui a quitté le domicile familial, et la souffrance, d'avoir grandi sans lui.
Pourtant, quand la chanson est enregistrée, la version ne plaît pas à Patrick, qui refuse de la mettre dans son album.
"Une fois qu’elle est terminée d’être enregistrée, elle est tellement orchestrée que j’ai l'impression qu’elle perd de son ADN et qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Elle ne me plaît pas, en fait. Et au dernier moment, je l’enlève" - Patrick Bruel
Il faudra attendre un an plus tard, pour que la magie opère. Alors que le chanteur s'époumone sur la scène du Zénith, il profite de la fin du concert pour présenter la chanson à son public. Un geste peu anodin, qui lui a été suggéré par sa mère, triste de ne pas pouvoir écouter cette chanson qu'elle trouvait si jolie.
"Ma mère me dit : 'Mais cette chanson, tu la chanteras jamais ?' Puis, le concert avance et à la fin je me sens tellement bien que je me dis : 'Tiens, je vais faire plaisir à ma maman et je vais chanter cette chanson' "J’attaque la chanson, je fais le premier refrain et dès qu’arrive le deuxième refrain, la salle entière chante avec moi, comme si tout le monde connaissait la chanson depuis toujours. Et là, je suis complètement ébahi" - Patrick Bruel
La suite, on la connaît : sorti en 1991, "Qui a le droit" devient l'un des tubes les plus emblématiques du chanteur, et se classe numéro un des ventes en France durant pas moins de 7 semaines, devenant rapidement disque d'or.
Au Café des délices, la revanche de Bruel qu'on pensait "fini"
Comment faire pour sortir un nouvel album quand le précédent s'est vendu à plusieurs millions d'exemplaires, devenant l'une des références de la chanson française ? C'est exactement la question que s'est posée Patrick Bruel au milieu des années 90, après la sortie de "Alors regarde". Le jeune chanteur sait qu'on l'attend au tournant, et la sortie de "Bruel" en 1994 est marquée par cette angoisse, alors que l'album se vend à plus d'un million d'exemplaires.
"On est à un moment où il y a eu un long passage entre 1995 et 1999 où rien n'est sûr. Il y a beaucoup de gens qui disent : "Bruel, c'est fini." Ça a été compliqué alors qu'on sort d'un énorme succès. [...] C'est sûr qu'on a vendu que 1,2 million d'albums après avoir en vendu 3 millions, donc pour certains c'était un échec, moi je ne trouve pas. Et ensuite on a fait une tournée qui était sold-out partout, mais il y avait quelque chose..." - Patrick Bruel, podcast Face A Purecharts.
Mais le chanteur peut compter sur ses soutiens dans le milieu, comme son ami Johnny Hallyday, qui l'invite sur la scène du Stade de France en 1998. L'occasion pour le fier papa de Léon et Oscar de se rappeler que les gens sont toujours heureux de le voir, qu'il est attendu où qu'il aille. C'est donc un peu plus serein que Patrick Bruel dévoile, en octobre 1999, son quatrième album "Juste avant", qui va se vendre à 1,5 million de copies. Parmi les titres phares de l'album, il y a "J'te mentirais" et "Pour la vie", mais il y a surtout "Au café des délices", une chanson écrite par Félix Gray, et dont Patrick Bruel a senti le potentiel deux ans avant sa sortie officielle, alors qu'il était en vacances en Tunisie.
"Un jour, je suis au Club Med de Djerba où je réalise le clip de Domino. Le soir, je fais un mini-concert, je prends la guitare et je chante la chanson. Et là je vois un truc fou qui se passe. C'est comme si c'était déjà une chanson connue. Il y avait déjà une espèce d'engouement" - Patrick Bruel
Cette chanson, qui a tout de suite séduit son public, évoque la douceur de vivre en Tunisie, mais surtout un café bien particulier que l'artiste a beaucoup côtoyé, à Sidi Bou Saïd.