Bénabar se livre dans une interview confession

Bénabar se livre dans une interview confession

Pour la sortie de "Indocile heureux".

Bénarbar a présenté son neuvième album studio, "Indocile heureux" vendredi 29 janvier, entre tendresse poétique et humour sans filtre. Pour l'occasion, il s'est arrêté chez nos confrères de Pure Charts pour une grande interview dans lequel il revient sur plusieurs sujets d'actualité, son album bien sûr, mais aussi les conséquences de la crise sanitaire sur les artistes.

Chez Bénabar, sortir un album reste un événement qui lui déclenche de l'émotion, il n'est pas du tout blasé, bien au contraire et cela le rassure : la flamme est toujours là !

"Je me suis posé la même question avant de recevoir le CD. Est-ce que ça continue de me faire quelque chose ? Est-ce que je ne suis pas blasé ? Eh bien non ! Dès que j'ai eu la galette en main, j'ai eu cette émotion, un peu de trac et ce sentiment d'achèvement, de plaisir, j'étais troublé par la trouille et fébrile. Donc oui, le frisson est encore là ! Et j'étais très soulagé, très rassuré. De pouvoir repartir en promo, discuter, faire de la musique et exprimer mes états d'âme, c'est un privilège. Je le savais déjà mais ça m'émeut beaucoup de pouvoir encore faire ce métier."

Il sait aussi que pouvoir sortir un album durant cette période si particulière est une chance autant qu'une responsabilité. C'est d'ailleurs aussi pour cela qu'il n'a cessé de travailler alors que l'album est terminé depuis un moment. Plutôt que d'attendre, il a continué à enregistrer pour donner le meilleur et ne pas avoir l'impression de trop subir le confinement.

"Je mesure à quel point c'est une réussite de pouvoir s'exprimer. Je sais à qui je le dois, le public, et je mesure le pouvoir des mots. Quand vous regardez les mouvements sociaux en France, que ce soit les Gilets jaunes ou autres, ce sont des gens qui ont des trucs à dire et qui veulent qu'on les entende. Et on ne les entend pas. Moi je fais partie de ceux qui sont entendus parce que j'ai la chance de passer par des médias et des outils musicaux qui amplifient ma voix. Ça je le ressens vraiment et ça donne une responsabilité, celle de ne pas dire n'importe quoi. Et puis, par rapport à cette crise, on ne peut pas faire autrement, les artistes. Quand tu es écrivain, tu écris, quand t'es musicien, tu joues. Il y a quelque chose qui n'est pas calculé, comme une obligation de créer."

Evidemment, Bénabar dont la musique possède un vrai côté visuel sait pertinemment qu'il ne pourra certainement pas défendre son album sur scène. Une vraie frustration pour celui qui a commencé d'abord de cette façon. Mais, lucide, il sait aussi très bien qu'il n'est pas le plus à plaindre et que derrière les artistes comme lui se cache tout un monde qui n'est pas dans la lumière et qui souffre vraiment.

"Je ressens la frustration. C'est un sentiment qu'on connaît tous mais je la ressens au fond de moi, qui bouillonne, de la frustration dans mon expression artistique. C'est comme dans un cauchemar : tu cries mais personne ne t'entend. Il y a un peu de ça, ça me bouleverse. J'ajoute tout de suite, et vraiment je tiens à le dire, que je ne fais pas partie de ceux qui se plaignent. Il y a des gens qui connaissent des difficultés tellement plus grandes. Je le sais donc je ferme ma gueule. C'est d'ailleurs pour ça que tu ne m'as pas vu pleurer à la télé. Ceci dit, voilà le fond de ma pensée : faire des chansons sans aller sur scène, ça ne sert à rien. C'est comme écrire un bouquin que personne ne va lire. Alors je sais qu'on peut d'écouter un album en ligne. Mais je viens de la scène, j'ai commencé dans les bistrots, c'est comme une partie de moi qui m'échappe. Depuis 25 ans, dès que j'avais fini une tournée, je faisais un disque pour repartir en tournée. Ça bouscule complètement ma vision des choses, je suis en pleine auto-analyse [...] Pour tous les musiciens et les techniciens, pour les producteurs, les petites salles, c'est difficile. On a fait une télé il y a quelques jours et j'ai vu un technicien la larme à l'oeil, on était tous émus de pouvoir enfin jouer. Ça, c'est le pouvoir de la musique. C'est peut-être ce que la période nous aura appris, à quel point ça compte. Sans ces moments de communion, sans vie sociale, sans restaurants, sans bars, on est des sauvages."